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Le processus de deuil

V. Swartenbroekx (EP&ES Vol. 23 n°1 2005, p. 2) propose de nous raviver quelques souvenirs pour nous plonger dans cette problématique du deuil : « Imaginons, de manière quelque peu caricaturale, la situation d'un étudiant qui découvre affichés aux valves de son école les résultats très insuffisants d'une interrogation qu'il croyait pourtant avoir réussie.

« Quoi ? »(attitude hébétée) ... choc
« Ce n'est pas possible, le prof a dû se tromper ! »... déni
« Quelle vache alors celui-là ! » ... révolte
« C'est foutu, je ne m'en sortirai jamais. »(pleurs) ... dépression
« Peut-être a-t-il oublié de corriger une question ? »... marchandage
« Essayons de comprendre ce qui n'a pas été. »... acceptation

Lorsqu'une personne apprend qu'elle souffre d'une maladie chronique, elle a besoin de temps pour arriver à l'accepter, c'est-à-dire à se détacher de son vécu antérieur (de personne « bien portante ») et à investir de façon positive sa nouvelle situation, sur sa nouvelle vie avec sa maladie. »

Élisabeth Kubler-Ross avait mis en évidence un processus d'acceptation de la mort chez les patients en phase terminale :

  • choc ;
  • dénégation ;
  • révolte ;
  • marchandage ;
  • tristesse ;
  • acceptation.

Ce modèle a été utilisé par des praticiens prenant en charge des maladies chroniques, avec succès. Cela leur a permis de mieux comprendre le cheminement des personnes souffrant d'une pathologie chronique.
Il faut plutôt voir ce processus comme un ensemble de points de repère et non comme un parcours obligé par lequel tout le monde passerait et qui serait obligatoirement linéaire. Par ailleurs, ce cheminement n'est pas définitif : en fonction de l'évolution de la maladie, des circonstances de la vie, une personne peut retourner à des étapes antérieures.

Deuil et intervention éducative

Selon les stades classiques du processus de deuil les interventions « éducatives » vont très fortement varier.

1. Le choc initial

Il y a tout d'abord la réaction de la personne à l'annonce de la pathologie chronique. C'est le choc de l'annonce de la pathologie, choc qui peut être plus ou moins brutal selon les personnes. Le patient peut être surpris, désintéressé, apathique, angoissé ... Cela se manifeste par ex. par les expressions : « Je ne réalise pas très bien », « Ce n'est pas vrai », « Ce n'est pas possible »... Le rôle du professionnel sera de soutenir, d'aider le patient à se retrouver, écouter, reformuler, s'intéresser à ses représentations de la maladie et les rapprocher de la réalité si nécessaire. Il faut éviter d'assommer le patient d'informations et d'instructions (il n'y est de toute manière pas réceptif) et de minimiser ce qui lui arrive.

2. La dénégation

C'est une réaction normale qui peut malheureusement perdurer et se transformer en déni. Le patient paraît détaché, banalise ce qui lui arrive, « oublie »de façon involontaire de prendre son traitement ... Cela se manifeste par ex. par les expressions : « Il y a des maladies plus graves... » Le rôle du professionnel sera d'instaurer un climat de confiance, de chercher en quoi le patient se sent menacé, de donner des informations positives et encourageantes. Il fat éviter de vouloir être persuasif, mettre en garde... qui risquent de renforcer le sentiment de menace du patient.

3. La révolte

La révolte est déjà une étape plus positive puisque le patient prend conscience de la réalité de la maladie. Le patient ressent sa maladie et les limitations qu'elle impose comme une injustice.Il peut se montrer très agressif, revendicateur. Il peut essayer de trouver un ou des coupables à sa maladie. C'est une période difficile à vivre pour tout le monde car on (la famille, les soignants ...) peut se sentir attaqué, menacé (alors que c'est envers la maladie que le patient est en révolte) et entrer en opposition. Cette révolte peut être masquée (manque de suivi du traitement) ou se manifester ouvertement. Cela se manifeste par ex. par les expressions : « C'est de la faute de ... si je suis malade » Le rôle du professionnel sera de chercher l'objet de la révolte, d'encourager la capacité du patient à faire face.

4. Le marchandage

Dans le stade du marchandage, le patient essaie de diminuer comme il le peut les contraintes de la maladie et du traitement. Cela peut se manifester par des expressions : « Je veux bien faire ceci mais pas cela », « Mon voisin n'a que tel médicament à prendre, pourquoi pas moi ? », « Pendant la journée, je n'ai pas le temps de faire mon traitement ... » Il peut jouer sur les informations contradictoires : « Tel médecin me dit cela, tel autre me dit cela, qui croire finalement ? » Cette situation peut paraître irritante pour les soignants. Le rôle du professionnel sera de lui permettre de s'exprimer sur ce qu'il vit, sur ce qu'il veut, de négocier son traitement (là où il le peut) afin de lui montrer qu'il peut être entendu, de réaliser par sa propre expérience que son traitement est nécessaire.

5. La tristesse, le retour sur soi

Suite à des complications (hospitalisations répétées, insuffisance respiratoire qui s'installe,.), le patient prend peu à peu conscience qu'il doit assumer sa maladie. Cela le rend triste, méditatif ... et cela peut se traduire par des expressions du genre « Je réalise que ... » C'est le point de départ à une réelle prise en charge. Le rôle du professionnel sera de renforcer l'écoute active, de ne pas craindre les manifestations de tristesse (larmes ...), d'aller à la rencontre du patient.

6. L'acceptation

Dans le stade d'acceptation, le patient retrouve une équilibre émotionnel : il a fait le deuil de son état antérieur et il investit positivement sa nouvelle situation. Le patient se montre actif et réaliste. Il paraît tranquille, collaborant et peut s'exprimer par ex. par « Je vis avec mon diabète et non malgré mon diabète ... » Le professionnel peut renforcer la formation personnalisée du patient.

Les blocages dans le processus de deuil

Le processus ne se déroule pas naturellement de la meilleure manière qui soit et un certains nombre de blocages peuvent survenir.

  • La résignation
    Le patient peut passer du déni à la résignation. Certains patients restent bloqués à certaines étapes du processus. Ils peuvent rester par exemple de façon durable dans une situation de déni. Mais, lorsque des complications apparaissent, le mécanisme protecteur s'effondre et les patients se réfugient dans la résignation. Ils deviennent de plus en plus dépendants des soignants et de leur entourage. Ils sont soumis, passifs, remplis d'amertume. Ils n'imaginent que le pire. Comment les aider ? - en les amenant à s'exprimer sur leur sentiment d'impuissance - en repérant dans quelle mesure ils peuvent être actifs dans d'autres domaines de sa vie et encourager cette attitude en ce qui concerne leur maladie - en jouant sur certains projets qui tiennent à cour au patient pour le remotiver.
  • La pseudo-acceptation
    Ces patients refusent d'être malades. Ils ne s'avouent pas malades et dissimulent leur maladie à leur entourage. Ce sont des personnes qui se montrent fortes et qui refusent de manifester la moindre faiblesse. Ce sont des personnes, par exemple, qui vont surinvestir leur profession au détriment de tout le reste. Dans le même ordre d'idée, nous pouvons rencontrer des personnes qui vont mettre leur corps à l'épreuve en voulant faire des performances physiques importantes, c'est le phénomène de la surcompensation. Ce sont des personnes qui veulent à tout prix prendre le dessus sur la maladie.
    Comment les aider ?
    • en manifestant un souci véritable pour leur état de santé en leur proposant des rendez-vous réguliers à intervalles négociables ;
    • en leur donnant l'occasion d'exprimer leurs sentiments réels, mais ce n'est pas facile car ce sont des personnes qui se coupent de leurs sentiments et qui ne s'autorisent pas à craquer.
    C'est un travail très lourd pour le médecin car il est possible que ces patients manifestent à un certain moment, une forte dépendance à leur égard.
  • Les personnes qui s'identifient à leur maladie
    Tout s'organise autour de la maladie : le travail, l'habitat, les relations sociales, les loisirs, les voyages.... La famille doit également se plier aux exigences de la maladie. Le patient retire de tout cela d'importants bénéfices secondaires. Les relations avec les soignants sont difficiles car ces patients expriment souvent un doute sur leurs capacités à les soigner.

Pour en savoir plus :

LACROIX A. et ASSAL J-P., L’Éducation thérapeutique des patients. Nouvelles approches de la maladie Chronique, MALOINE, Paris,2003, 2e édition